mercredi 9 octobre 2019

Le grand souffle lyrique de Sade exige une topologie du gaudium


« Au théâtre, la vie suffit. Je suis en train de vous parler d'une autre histoire, d'une vision du monde de longue portée. Appelons-le cinéma, celui qui marque la fin de toute représentation : mon cinéma.
Dans celui-ci, l'espace est une métaphore de l'atelier du temps. La supercherie scénographique n'a aucune raison d'être, c'est une excroissance. Mieux encore : Le principe moteur est un ordre purement scénophone; jamais scénographique. Lieu d'accueil polyphonique, la construction du boudoir ne doit obéir qu'à une architecture musicale; jamais picturale. C'est à partir de là, et là seulement, qu'il est possible de réunir les pièces indispensables, les ordonner, en faire une séquence pour le coup logique et rigoureusement géométrique. Le grand souffle lyrique de Sade exige une topologie du gaudium, pour utiliser une expression d'Agambem, et jamais un taudis infesté par la puanteur pestilentielle de la maladie mentale.
Ne pas comprendre que la scission du lieu d’avec la réalité extérieure ne provient non pas de la schizophrénie mais du désir d’archiver dans un dépôt sacré l’intégralité du verbe perpétuellement répété, perpétuellement renouvelé, c’est ne rien comprendre du tout : un truc vague, un truc vide. La fameuse répétition sadienne n’est pas une simple figure rhétorique, mais le cœur de sa propre pensée. »

João César Monteiro, Lettre d'une inconnue, Sade à la grâce de Dieu (II), Une Semaine dans une autre ville, Journal parisien & autres textes, éditions La Barque, Paris, 2012.



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